Leçon d’histoire, par Nicolas BERGHE
Il est en première ligne, entre Mike Hawthorn et Harry Schell. Hawthorn règle sa montre. Schell, lui, a l’air distrait. Le stress ne se fait pas sentir pour ces deux là.
Par contre Musso est dans sa Ferrari, les deux coudes appuyés sur le rebord de son saute-vent, regardant avec insistance Hawthorn et semblant lui dire “laisse-moi cette victoire”.
Il pense certainement au télégramme recu ce matin à l’Hotel du Lion d’Or. Un télegramme court, signé de son associé romain : “Gagnes ! la traite doit être payée demain. Mario Bonigia”
Luigi Musso pense au bon usage qu’il fera de la prime de dix millions au vainqueur. Il doit gagner cette course.
C’est une firme de champagne qui a fortement, et inhabituellement, gonflé le gain. En ce moment sa vie est compliquée. Il défraye la chronique mondaine en Italie. Il a laissé femme et enfants pour s’envoler avec Fiamma , une jeune femme de 19 ans.
Il s’est en outre engagé dans des affaires professionnelles qui tournent mal. Il a investi beaucoup d’argent dans l’importation des Pontiac américaines. Une idée pour le moins loufoque dans l’Italie de l’époque.
Il semble avoir egalement perdu des sommes importantes aux jeux et son créancier n’est autre qu’une célèbre organisation criminelle…
Musso doit gagner pour empocher cette prime qui le renflouera c’est sur. Dix millions !
Cette soif de gagner sera mauvaise conseillère. Lors du Grand Prix il tente de dépasser un attardé. Il perd le controle de sa Ferrari qui s’envole dans un champ en le catapultant. Sans doute a-t-il seulement pensé à ce moment aux millions qu’il perdait. Même le temps n’aura pas suffi pour qu’il ait peur. C’est fini. En quelques mois la Scuderia aura perdu la presque totalité de ses pilotes en course.
Fiamma restera seule. Enzo Ferrari, fait rare, aidera financièrement la jeune femme en l’installant dans une boutique de prêt à porter à Florence.